Être pour ou contre la retouche photo.
Parlons retouches.
Suite au statut Facebook d’une maman qui s’insurge sur le fait qu’on lui propose de retoucher les photos scolaires de sa fille, et après avoir lu les commentaires de gens pas contents qui en découlent et voir certaines radios s’emparer de cette [fausse] polémique, j’ai décidé de prendre quelques instants pour donner mon humble opinion sur la question. Faut-il, oui ou non se mobiliser contre la retouche. La question semble simple, mais elle est beaucoup plus complexe qu’elle en a l’air puisqu’il y a différents types de retouches destinées à différents types de marchés et clientèles. Je le sais parce que je suis photographe depuis plus de 25 ans et quand on parle de retouches on ne parle pas FORCÉMENT de réduction de tour de hanches ou augmentation de certains attributs. Dans le cas qui nous concerne, si on parlait bien de ce type de retouches, ça ne serait pas réaliste pour deux raisons: 1. Les photographes scolaires font de l’argent sur la quantité d’étudiants à photographier et c’est de cette façon qu’ils réussissent à offrir des prix abordables. La retouche est un service qui leur permet de faire un peu plus d’argent tout en satisfaisant les clients. C’est un service de base offert par n’importe quel studio photo qui se respecte. Ce type de retouche couvre les légères imperfections et pour ce qui est de l’acné par exemple, qui demande plus de travail, le prix va souvent en conséquence 2. Les retouches plus poussées ne sont généralement pas proposées parce qu’il faudrait pratiquement que la personne soit assise à côté du retoucheur pour donner ses indications. Prenons par exemple une étudiante qui se trouverait grosse alors qu’elle ne l’est pas, comment voulez-vous que le photographe comprenne qu’elle ne veut pas avoir l’air 10lbs de moins, mais 40lbs ? Et les parents s’attendent à payer 10$ pour ce type de service? Disons qu’on demande 50$ vous croyez que le photographe acceptera de reprendre le travail si la cliente n’est pas satisfaite et qu’elle se verrait avec encore 10lbs de moins?! La retouche fait partie intégrante de mon travail, elle va du simple ajustement du contraste, de luminosité à des images complètement refaites par ordinateur, mais n’allez pas croire qu’elle est apparue avec Photoshop. Oh que non. Elle est pratiquement aussi vieille que la pratique de la photo elle-même! Au début des années 1900, le temps de pose étant très long, on repeignait les yeux sur les photos parce que personne n’était capable de les garder ouverts pendant 30 secondes. Il y a eu la mode du airbrush pour donner l’impression qu’on avait la photo couleur et tout le monde avait une peau de pêche, j’ai appris au cégep à faire de la retouche sur négatif et sur papier. C’était la retouche de base, mais les plus habiles grattaient le négatif pour ensuite peindre les parties manquantes soit sur négatif, soit sur papier. En laboratoire on exposait plus longtemps certaines parties de l’image et parfois moins d’autres pour mettre en valeur notre sujet. Et puis Photoshop est arrivé, tout le monde s’est énervé avec ça, les modèles avaient l’air en plastique et n’avaient plus aucun pore dans la face, ça c’était avant l’ère de la retouche hyper réaliste où maintenant, les retoucheurs les plus extrêmes vont refaire la face au grand complet pour finir en rajoutant des faux pores de peau avec un pinceau qui imite différentes textures de pores, à la fin, la personne a juste l’air parfaite, on ne se douterait jamais qu’elle a été retouchée parce qu’on aura pensé à lui rajouter quelques jolies petites imperfections. Une autre tendance mode qui fait beaucoup jaser, l’outil “liquify” qui a le pouvoir de te faire perdre 30 livres en 5 minutes et te faire passer de bonnet A à D en quelques secondes. Kate Winslet a été louangée pour avoir crié haut et fort qu’elle ne voulait plus être retouchée dans Photoshop, tout en gardant le silence sur les longues heures passées à se faire coiffer et maquiller puis habiller par des stylistes après quoi, le photographe lui aura fait prendre des poses flatteuses pour la silhouette sous un éclairage la mettant en valeur. Ça aussi, c’est une forme de retouche. Plus près de nous, je ne compte plus les selfies pris en plongée extrême pour paraître 15lbs de moins, en faisant une petite moue pour creuser ses joues en prenant bien soin de cadrer la poitrine ou le chest avant de passer ça dans un filtre Instagram. Comment peut-on ensuite prétendre être contre la retouche? Mais je suis d’accord que nous sommes en droit de définir nos limites par rapport à cette dernière. Donc est-ce que le photographe d’école va trop loin en offrant une section retouches aux étudiants? Je ne crois pas. Cette option était là lorsque j’étais moi-même étudiante, il y a plusieurs années, genre que Photoshop n’existait même pas. Peut-être que ce qui choque ici ce sont les cases de choix proposés: Face, poitrine, nez, menton, cheveux, vêtement… Je n’ai pas personnellement parlé au photographe, et je doute que la maman l’ait fait de son côté avant de taper son post sur Facebook, mais je crois sincèrement qu’il n’est question ici que de retouches mineures. On ne se le cachera pas, l’adolescence c’est l’âge ingrat où les hormones semblent prendre un malin plaisir à rendre la vie misérable à certains étudiants. Personne ne veut de feux sauvages sur sa photo officielle de secondaire 3 ou d’un bouton de stress qui a poppé sur le nez le matin de la photo, ou d’acné, pas plus qu’on ai envie de se ramasser dans l’album des finissants avec des pellicules sur ses épaules. Je crois que c’est de ça dont il s’agit et en ce sens, le service offert est tout à fait pertinent. Cette maman a peut-être raison d’en faire tout un plat parce que c’est vrai que la question mérite d’être posée, mais en supposant qu’elle ait raison et que le photographe propose bel et bien des retouches dignes des Kardashian, c’est probablement qu’il y a une demande et qu’il a dû ajouter ce service afin de s’adapter au marché. Aimez-vous comme vous êtes et usez de la retouche intelligemment. |
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